Le vieil atelier
- bertilscali
- 1 sept.
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Dernière mise à jour : 8 sept.

À la campagne, il est souvent au fond du jardin, envahi par le lierre, le jasmin, les roses. À la ville, il est coincé entre deux maisons, vestige d’un temps où les métiers de vannier, chapelier, ferronnier, vitrier et tant d’autres avaient encore pignon sur rue. À l’époque, on faisait réparer la chaise trouée ou le réveil qui retarde. En 1963, à New York, Andy Warhol a installé son studio d’artiste dans une ancienne fabrique. Il l’a baptisé The Factory. Dans les années 1980, d'autres artistes l’ont imité. À Los Angeles, Londres, Paris, des communautés d'artistes ont transformé des entrepôts en loft bourgeois, pour les habiter, y travailler, puis les revendre. Le "style indus", pour industriel, était né, avec ses tuyaux apparents, ses traverses de voies ferrées en guise de parquet, son béton ciré et ses briquettes rouges typiques des warehouses (entrepôts) new-yorkais. Le phénomène s'est répandu aux périphéries des villes, dans les banlieues autrefois ouvrières, riches en bâtiments industriels désaffectés. Il a permis à des trésors de notre patrimoine de ne pas disparaître, à l'instar de leurs ancêtres dont on ne trouve plus la trace que sur quelques clichés en noir et blanc, tels ceux des photographes français Eugène Atget, Robert Doisneau, Henri Cartier-Bresson ou Willy Ronis. C’est un peu une course contre la montre. Sauver ce hangar abandonné, cette carrosserie fantôme ou cette remise ouverte aux quatre vents, avant qu’ils ne soient démolis comme on abat un chêne centenaire. Leur charme tient à leur design, brut, fonctionnaliste. Ils sont atypiques au milieu des maisons familiales ou au bas de nouvelles résidences. Des familles les rachètent, les retapent, les revendent, et recommencent. Des marchands de biens, sensibles à cette esthétique, les restaurent, les aménagent, les divisent. Ils conservent le dessin des fenêtres, les poutres de bois ou d’acier aux écrous apparents, les volumes hors norme. Mais évidemment le plus beau est ailleurs. L’émotion que procurent ces manufactures et entrepôts provient de leur fonction d’avant. Occupés par des artisans qui ont façonné le bois, le verre, la pierre ou le fer, ils ont été des lieux de travail, et, forcément, de création, de vie. Ces petites Factories ont abrité l’imaginaire des artisans, dont on peut encore voir la trace aujourd’hui, comme dans cette ancienne fabrique qui abrite des antiquités endormies : un cheval de bois, des outils rouillés, un bahut, une harpe déglinguée. Ce petit supplément d’âme, cette vieille remise, elle l’a. C’est l’esprit atelier.
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