La vue de château
- bertilscali
- 16 sept.
- 2 min de lecture

Ses tourelles se dressent au-dessus des champs, des rues, des toits. On a observé la nuit ses fenêtres étroites éclairées à la bougie, ou les matins d’hiver, sa grande pelouse grisée par le givre. On connaît ses grilles aux pointes dorées, sa porte cloutée, l’allée de gravier qui mène au perron… On compte plus de 45 000 châteaux en France, mais quand en famille on parle du château, “le” château, c’est bien de celui-ci qu’il s’agit : le nôtre, celui que nous longeons pour aller à l’école, au travail, promener le chien ou faire son jogging. Enfant, je croyais que “Le château de ma mère”, de Marcel Pagnol, racontait la vie d’une famille d’aristocrates, comme dans la comtesse de Ségur. Avec des citronnades, des chiens, des chats, un âne, des grands-mères buvant le thé sur des terrasses ratissées et des mamans vêtues de robes à crinoline et de chapeaux proustiens. Un château. Ce simple mot suffit pour se faire tout un roman. Pour Pagnol, celui de sa mère était en fait ce grand domaine qu’ils traversaient en famille pour rejoindre leur maison de campagne. Ils longeaient ainsi quatre châteaux appartenant à un noble, un notaire, un mystérieux parisien et un inconnu. Autant de demeures que le petit Marcel se souvient avoir admirées à l’abri de la robe de sa maman. Voici la plus belle image de son enfance, le souvenir de sa mère devant un château anonyme. Pour mes enfants, le château de leur père sera peut-être celui qui se cache dans les vignes à côté de chez nous, le Château Pape Clément. Ou celui d’une lointaine arrière-grande-tante, dans un village familial oublié, dont on parle parfois à Noël. Il en reste une photo encadrée au fond d’un couloir. Qu’il soit de pierre ou de stuc, au bout de la rue ou sur une vieille photo de famille, à chacun son château, pourvu qu’il puisse éclairer notre imaginaire. La vue de château, c’est bien mieux que la vie de château. Et vous, quel est votre château ?
Commentaires