Les voyages sont les romans les plus improbables. Ce livre recense les folles errances d’une cinquantaine d’artistes, de Sarah Bernhardt à Jeff Koons. On pourrait commencer par Serge Gainsbourg qui rejoint Jane Birkin, dans le sud de la France, sur le tournage de La Piscine. Il loue alors une Cadillac plus grosse que celle d’Alain Delon. Mais le symbole de cette rivalité masculine tournera court, quand il sera incapable de passer les ruelles de Saint-Tropez avec !
Autre histoire mythique : Hemingway en vadrouille qui oublie le manuscrit de son fameux Paris est une fête dans une malle au Ritz. On le retrouvera vingt-cinq ans plus tard. Bertil Scali, l’auteur de ces textes sensibles et documentés, s’est glissé ici ou là dans l’intimité de toutes ces légendes. Le voyage semble être finalement le reflet le plus éclatant de qui nous sommes. L’élection même de ce que nous emportons, nos bagages, est une lecture de nos priorités. Rien d’étonnant à ce que ce livre ait été magnifiquement illustré par Pierre Le-Tan, dont on se souvient des collaborations avec Modiano ; ce dernier étant capable de connaître les heures des trains passant en gare de Bordeaux en 1942.
Tout artiste est traversé par cette folie de l’ailleurs, et c’est sûrement la meilleure façon de se fuir. On le ressent bien avec Keith Richards, toujours sur la route. Scali a cette superbe formule à propos du guitariste des Stones : “Il poursuit presque calmement sa trajectoire suicidaire, sans jamais mourir.” Cela doit être ça finalement. On ne meurt pas ailleurs, et même, on vit davantage. Les jours possèdent comme un goût de toujours. C’est donc une sorte d’éternité qu’on peut s’offrir à Noël avec ce si beau livre. D.F.
La note de L’Express : 17/20
Histoires de voyageurs. À bagages ouverts
par Bertil Scali, illustrations de Pierre Le-Tan. Thames & Hudson, 448 p., 85 €.
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